
Premiers pas vers le monde de l’apprentissage
Trois sections (petite, moyenne, grande) pour les petits qui entrent à l’école maternelle, publique, gratuite et laïque, cette spécificité purement française qui accueille les enfants de moins de 6 ans, avant qu’ils n’entament le cycle du primaire. Annuaire inversé vous parle de ce passage du monde des bébés au monde des petits enfants.
L’INITIATION DES TOUS PETITS DANS LE MONDE DE L’ECOLE
Entre la crèche et le CE1, il y a donc cette zone où l’on échappe encore à pas mal de contraintes, et où l’on peut encore babiller avec son voisin de sieste ou lui piquer ses joujoux sans risquer de représailles sévères. La maternelle, c’est encore un peu comme à la maison, sans papa, sans maman, mais avec la possibilité d’apprendre des tas de choses inédites et passionnantes : en quelques semaines, on passe du gazouillis au mot articulé, on lâche un peu la communication non verbale qui était de mise avec les parents pour s’approprier celle de ses nouveaux « collègues ». C’est le premier pas vers un nouveau monde, celui de l’apprentissage, de la lecture, du dessin, de l’émotion, de la relation à l’autre.
La maternelle, ça peut parfois occuper deux ou trois ans d’une vie d’enfant et mine de rien, c’est là qu’on assimile et intériorise une foule de règles et de codes qui faciliteront grandement la vie avec les autres. Par exemple, on ne mord pas tous ceux qui passent à votre portée, on n’arrache pas les cheveux de tout le monde, on ne crache pas comme un petit lama en colère, on écoute et on répond quand on est devenu suffisamment grand.
Plus tard, quand on monte en grade et que l’on change de section, on peut faire son intéressant devant plus petit que soi, en attendant de mettre le pied dans le primaire dont on a un avant-goût à la fin du second cycle de maternelle.
NUAGES SUR LES PETITES CLASSES
Il y a quelques années, cet univers enfantin fut la cible de quelques critiques et c’est l’existence même de ce service public qui fut remise en cause par une poignée de fonctionnaires l’accusant de livrer au primaire des enfants déjà quasiment en échec scolaire. Les professionnels de l’enfance ne furent pas épargnés et la durée de leurs études fut remise en cause par un ministre de l’Education nationale copieusement remis à sa place par une corporation assez remontée. Il faut dire que les propos manquaient singulièrement d’adresse et qu’une récidive réapparaît régulièrement, menaçant de répertorier et ficher des enfants à peine âgés de 5 ans dans le cas où ceux-ci n’auraient pas été assez performants durant ces premières années d’apprentissage ou auraient présenté un comportement étiqueté « à risque ».
Selon la sphère syndicale et une large part du corps enseignant, cette idée fixe consistant à évaluer des comportements dès le plus jeune âge ne peut que dénaturer la raison d’être même de l’école. Le mobile est ensuite de noter chaque établissement et au bout du processus, d’installer une concurrence entre eux et cela dès la maternelle.
Quoi qu’il en soit, le débat est vif, les réactions épidermiques et après quelques recherches dans l’Annuaire inversé, les discussions téléphoniques ont dû se multiplier entre pro et anti-évaluation. Les statistiques, pourtant, n’ont pas d’états d’âme, elles, assurant que plus de 90 % des enfants qui ont été admis en maternelle dès 2 ans passaient en CE2, contre 77 % des jeunes élèves qui avaient rejoint la maternelle à 4 ans.
Ce qui est sûr, c’est qu’une scolarisation précoce favorise des acquisitions langagières de meilleure qualité et il est aussi perceptible que ce sont les populations les plus sévèrement défavorisées qui profitent de cet état de fait.
Un argument de plus contre ceux qui considèrent la maternelle davantage comme un mode de garde que comme un lieu d’éducation.
Par Soizic Tretout