Le point de rencontre culturel
Il est des enseignes qui, si elles devaient disparaître, laisseraient plus d’un client inconsolable. C’est le cas de la FNAC, Fédération Nationale d’Achats des Cadres. Ce sont deux hommes très portés sur le social qui, en 1954, créèrent une sorte de carnet d’achats avec lequel on pouvait s’offrir toutes sortes d’articles à moindre prix. Max Théret et André Vessel, les initiateurs de ce système, complétèrent le panel de commerçants qui jouèrent le jeu en y ajoutant la vente de matériel photographique et de disques. C’est ainsi que cette petite entreprise ne connut pas la crise et qu’elle entama une brillante carrière vouée à la diffusion de produits culturels.
UNE BELLE INITIATIVE AU SERVICE DE LA CULTURE
Loin d’imaginer qu’un demi-siècle plus tard, son idée serait cotée en Bourse, le CV de Max Théret indique une intense activité militante qui le mena au côté de Trotski, puis des républicains espagnols. Bien plus tard, il plongea dans la marmite capitaliste et se retrouva sur le banc des accusés dans une affaire de délit d’initiés impliquant le groupe Péchiney. Il fut condamné puis réhabilité, et disparut en 2009.
Son partenaire André Vessel eut un parcours un peu similaire, en tout cas il navigua un temps dans les mêmes eaux trotskystes que son ami Théret. Sa théorie était que si l’on ne peut pas augmenter les salaires, il faut baisser les prix et c’est sur cette base que la FNAC fit ses premiers pas.
Au début, les deux fondateurs constatèrent que c’était plutôt les cadres qui profitaient de leur idée, une catégorie professionnelle qui se noya bientôt dans un public tout-terrain. C’est en 1974 que les livres firent leur apparition dans les rayonnages de cette entreprise qui ne voulait que du bien à sa clientèle, automatiquement gratifiée d’une remise de 20 %. Les libraires firent sur le champ une sévère crise de jalousie, si bien qu’en 1981, l’inamovible Jack Lang, alors ministre de la Culture, fera voter une loi qui instaure un prix unique pour les livres. Une petite réduction de 5 % est toujours accordée aux bibliophages, un modeste cadeau qui ne compensera pas une politique tarifaire maintenant alignée sur ce qui est pratiqué ailleurs pour les autres produits de l’enseigne.
Peu à peu, l’offre s’enrichit, se diversifie et outre les livres, disques et maintenant CD, on vient à la FNAC pour se ravitailler en matériel informatique et multimédia, en jeux vidéo, appareils photo, billets de concerts ou pour acheter des voyages. Le boulevard Sébastopol des débuts essaime dans tout Paris, puis dans la France entière, avant d’entrer en Bourse, en 1980.
LE LANCEMENT D'UNE CARRIERE INTERNATIONNALE
La FNAC est alors prête pour s'internationaliser tout d'abord à Bruxelles, avant de s’étendre vers les grandes capitales occidentales. C’est aussi le moment où les deux pères fondateurs quittent ce beau navire qui passe de bras en bras, de la GMF à la CGE, avant de s’installer au sein du groupe PPR, propriété de François Pinault.
Depuis quelque temps, la FNAC a également entamé des implantations plus intimes, aux abords de villes comme Toulouse ou Bordeaux, Bayonne ou Thiais, ainsi qu’au cœur de centres commerciaux dans le but de toucher une clientèle peu habituée aux grandes adresses historiques de l’enseigne.
Quelques nuages ont un peu troublé le ciel de la FNAC il y a peu avec la baisse sensible (20 %) des ventes de CD, prestement téléchargés par une population qui se refuse à payer ce qu’elle peut pour l’instant avoir gratuitement par d’autres moyens. Un millier de salariés ont fait les frais de cette nouvelle façon de consommer de la musique et plusieurs centaines d’administratifs ont également dû être reclassés. La FNAC Bastille a déposé les armes à son tour, privant ce quartier de la capitale d’un repère musical d’importance qui jouxtait l’Opéra. C’est donc une sorte de courroie de transmission qui a lâché entre ces deux phares musicaux après la lutte désespérée des salariés de Bastille. La même année, en 2009, c’est à Bâle, en Suisse, de déclarer forfait, une année à peine après l’ouverture du magasin. Vous pouvez donc consulter l'annuaire inversé régulièrement pour trouver une FNAC près de chez vous,
Par Soizic Tretout